L’ambassadeur d’Angleterre, Sir Henry Wallop, relate au roi Henri VIII sa visite à Fontainebleau le 17 novembre 1540, effectuée sous la conduite de François Ier. L’auteur souligne dans son récit le caractère privé que peuvent avoir les galeries et la surprise que constitue celle de François Ier pour les hommes de l’époque. Ce texte met aussi en évidence la diffusion de la Renaissance artistique par les voyages d’une élite cultivée (ici l’ambassadeur d’Henry VIII) ou d’artistes (Nicolas Belin de Modène). Enfin il révèle le goût pour l’antique par le biais d’œuvres qui s’en inspirent ou par la réappropriation de certains aspects de la culture romaine tels que les bains.
[…] nous entrâmes dans sa chambre à coucher qui, je l’assure à Votre Majesté, est très singulière, tant par des bordures antiques [réalisées d’étoffes], que par un plafond précieux et une cheminée très bien faite. [… le] roi de France me demanda de monter sur un banc pour sentir ladite matière et étoffe […]. Lui, en bon et gracieux prince, m’aida en me poussant en avant de la main […] ; et de même pour ma descente, il m’épaula à nouveau et, de là, me conduisit dans sa galerie dont il gardait la clef sur lui comme le fait Votre Majesté ; je le lui signalai, ce dont il prit plaisir. Et ayant bien regardé ladite galerie (1), je la trouvai la plus magnifique que j’aie jamais vue ; quant à sa longueur et largeur, personne ne peut mieux le dire que Modon (2), qui a travaillé là dès le début, alors qu’elle n’était pas dans la perfection où elle est maintenant. Le plafond au-dessus est constitué de bois de noyer, et d’une autre forme que celle à laquelle Votre Majesté est accoutumée ; il est ouvragé avec des bois de diverses couleurs, comme je l’ai rapporté plus tôt à Votre Majesté, et est partiellement doré ; le sol de la galerie est en bois, étant ouvragé dans la même manière ; ladite galerie est fermée tout autour, et finement ouvragée dans les trois de ses parties ; la quatrième partie est entièrement composée d’antiques de cette estoffe que ledit Modon fait pour les cheminées de Votre Majesté ; et entre chaque fenêtre se tiennent de grands personnages entiers à l’antique, et dans divers endroits de la galerie sont installés beaucoup de beaux tableaux d’histoire très finement travaillés, comme Lucrèce (3) et autres, ce dont ledit Modon pourra beaucoup mieux expliquer toutes les perfections à Votre Majesté que moi. Et dans la galerie à Saint-James la même chose pourrait faire bon effet, car elle est à la fois plus haute et plus large. Si votre plaisir est d’avoir le dessein de celle d’ici, je sais très bien que le roi de France me le donnera volontiers.
De là il me conduisit à son logis sous ladite galerie, aussi bien pour le voir que pour examiner les bains et étuves (4) ; nous trouvâmes Madame d’Etampes et Madame Dowbeney (5) dans une chambre à côté, où il y avait deux lits : et dans mon opinion, on les rencontre plus souvent dans lesdits bains que couchées auprès de leurs maris. […] Et de là, le roi me conduisit aux dits bains, qui étaient chauds et fumaient tellement, comme s’il y avait du brouillard, que le roi me précéda pour me guider. Après il entra dans l’étuve, qui est aussi bien conçue pour ce besoin qu’il est possible ; le bain est fait comme une piscine fermée par une barrière qui laisse seulement le passage à une personne pour entrer de côté, où je pense qu’ils étaient ce matin.
Le roi de France, retournant par lesdites chambres, se rendit tout droit à la messe […].
Sir Henry Wallop, Courrier diplomatique au roi Henri VIII, 17 novembre 1540. Extrait de Solnon Jean-François (sous la direction de), Sources d’histoire de la France Moderne, Larousse, 1994, pp. 126-127.